PAN architecture livre à Paris une extension d’un hôtel 4 étoiles. Situé dans la Zac Beaujon, le programme hôtelier complète une opération mixte de logements sociaux et d’un commissariat dirigé par l’agence Nicolas Reymond Architecte Urbaniste. Modeste par sa taille, cet édifice vertical n’en est pas moins ambitieux. Il se dresse comme une structure autonome relevant le défi de la singularité, une architecture soignée et expressive toute en retenue.
Ce projet est d’abord un hommage au patrimoine architectural courant Parisien qui domine les rues du secteur. La rigueur d’ordonnancement généralisée comme la diversité des écritures offrent une puissance urbaine dans laquelle le projet cherche à s’inscrire.
Il développe des effets de rythme, d’épaisseur et de minéralité comme autant de résonnances culturelles
au patrimoine environnant. Cette stratégie associée à une recherche de composition tripartite innovante, permet d’assurer une présence forte autant qu’une délicate distinction du projet vis-à-vis de son site.
Son élégance et son raffinement tiennent d’une recherche engagée sur la qualité de mise en œuvre et l’intelligence d’une façade complexe.
Uns simplicité apparente
Ce projet rassemble de nombreux enjeux. Le premier concerne sa situation en dent creuse entre une opération existante de logement et l’opération mitoyenne de logements sociaux et commissariat.
Positionnée sur un immense central téléphone enterré de plusieurs niveaux, le projet a été abordé
comme une superstructure rigide autonome posée en surélévation de l’infrastructure. Contraint par des points d’appuis isolés prédéfinis acceptant uniquement des descentes de charges verticales, la collaboration avec le bureau d’étude EVP a permis de trouver des solutions ingénieuses de poutres- voiles assurant une répartition uniforme des charges.
Deuxième tour de force, celui d’absorber un transformateur électrique en fonctionnement, présent en rez-de-chaussée La disparition de ces contraintes techniques est le résultat d’une exigence et d’un engagement pour la qualité de l’espace public.
Le raccordement à l’hôtel existant se fait par le comblement d’une courette de ventilation arrière.
Chaque hauteur de niveau est différente. En réponse, le projet utilise une figure, une grille qui en façade absorbe ces déformations et s’adapte à toutes ces contraintes existantes. En réponse à l’étroitesse de la rue Laure Diebold, le projet propose un travail en gradin des deux derniers niveaux (quatrième et cinquième étage). Ce dispositif morphologique est caractéristique de ce secteur urbain. Il permet de dégager des espaces en terrasse et balcon sur la rue, ouverts sur le grand paysage. Sur les niveaux courants une épaisseur de loggia permet de mettre en retrait les chambres de la rue.
Partition lisible et plateaux libres
L’organisation des niveaux est simple, elle se lie en façade avec trois chambres prévues sur la rue et une chambre sur la cour arrière. Des chambres en duplex sur les derniers niveaux ainsi qu’un espace polyvalent en toiture terrasse accessible complète l’organisation du volume (les aménagements intérieurs et la décoration de l’hôtel sont hors mission).
Le principe de composition tripartite fait système, il se retrouve dans la trame de façade, les retraits de niveaux (un alignement sur rue et deux retraits de façades), la partition des guillotines, celle des coulissants, celle des grilles à ventelles ... Ce jeu répond à une recherche d’évidence harmonique. C’est un clin d’œil au type du «trois fenêtres» (modèle d’immeuble de rapport du XIXème siècle très répandu à Marseille) exporté dans le 8eme arrondissement de Paris. Une gamme mélodique, naturelle pour des architectes du sud de la France, interprétée sur un rythme Parisien.
Cette simplicité d’organisation correspond à une ambition de flexibilité du plan qui associe des façades et mitoyens porteurs pour offrir des plateaux libres. Le projet propose un dépassement du gabarit plafond de la ville de Paris justifié par un traitement en toiture jardin planté de 60 cm de terre végétale favorable à la biodiversité et à la rétention d’eau.
Matérialité
A la pierre de Saint Maximin très présente sur le site, l’hôtel répond par un béton poli noir. Le choix des
dimensions et des teintes de granulats (éclats de marbres colorés), de la teinte en masse du béton (colorant, sable et ciment) comme de la finition ou encore du type de protection en masse a fait l’objet d’une recherche importante sur chantier valorisant un haut niveau de savoir faire des entreprises (Entreprise Jousselin).
Le résultat proche de la pierre propose une minéralité soyeuse que seul le béton peut apporter. Nous avons travaillé sur des pièces préfabriquées de grandes dimensions, notamment sur les terrasses et balcons des étages supérieurs. Véritables monolithes de béton ces pièces sans joint constituent des figures de bravoures du projet orientant le regard vers les toits parisiens et la tour Eiffel. L’aluminium, le verre et le béton poli sont les seuls matériaux apparents du projet. Leur mis en œuvre utilise le principe du joint creux comme figure commune d’assemblage.
« Les joints creux forment un calepinage fin et tramé qui explicite l’assemblage de la matière. C’est une déclinaison de l’expressivité constructive du joint mise en avant comme figure ornementale ».
Une enveloppe intelligente
Le projet résiste à la pression de rentabilité de l’hôtel (recherche de surface maximale des chambres) pour dégager des surfaces de loggias en façade sur rue. Pensés comme des jardins d’hiver, ces espaces en balcon sur rue incitent à une appropriation et une liberté d’usages. Ils renforcent la protection (acoustique et thermique) ainsi que le confort et l’expérience spatiale des chambres. Grâce à une double paroi vitrée, ces espaces d’interfaces, aux multiples usages, accompagnent la vie du bâtiment au rythme des saisons. Le ballet de vitrages renforce le jeu cinétique qui anime la façade.
Nous les avons imaginées comme des prolongements des espaces intérieurs vers le domaine public. Depuis les chambres, la sensation de projection dans la ville est renforcée par l’utilisation de parois vitrées (plein verre à dormants cachés) dite “minimales” ayant des cadres d’ouvrants extrêmement réduits. Cette volonté d’ouverture sur la ville dessine une façade poreuse animée par les jeux de superposition et d’empilement des vitrages perturbant la lecture et la limite tant les jeux de reflets sont importants.
Dans un esprit de recherche et d’expressivité onirique, nous avons prescrit des fenêtres à guillotines minimales très peu visibles en France puisqu’en principe incompatible avec notre mille-feuille réglementaire. Ce type d’ouvrant pourtant très répandu dans les pays anglo-saxons est particulièrement connoté dans notre pays au point que ça mise en œuvre relève d’exploit « révolutionnaire ». Réaliser ces vitrages en cascade n’a été possible qu’avec le soutien d’une maîtrise d’ouvrage de grande qualité, plusieurs dérogations de la préfecture de Police et la complicité d’un bureau de contrôle tolérant. Le résultat et celui d’une façade contemporaine qui se joue des codes de composition traditionnels et offre un usage innovant de cet espace interstitiel. Une fenêtre spectaculaire et ludique qui relève d’un haut niveau de savoir-faire industriel.
La mise en œuvre de ces ouvrages a demandé un travail fascinant de détails. Des poulies et des contrepoids sont cachés de chaque côté des fenêtres derrière la grille de façade béton. Ils permettent d’ouvrir avec la simple force d’un doigt ces verres de 4 m de large, tenus par des cadres aluminium de 2 cm de vue.
Ce projet est un exemple de réussite collective qui rassemble entreprises, architectes et maître d’ouvrage, engagés pour la qualité et l’exigence dans la fabrication de la ville, dense et plurielle. Cette architecture relève d’une évidence. Celle d’un bâtiment peu dessiné dans sa composition mais extrêmement précis dans ses détails, valorisant l’environnement urbain, l’usage et l’art de bâtir. Une petite pièce précieuse “d’orfèvrerie urbaine”.