Généralisation à tout le territoire du droit à déroger des préfets

Le droit de déroger à certaines normes, dont celles de la construction, du logement et de l'urbanisme, qui avait été accordé aux préfets à titre expérimental en 2018 est désormais généralisé à l’ensemble du territoire.

Depuis le 1er janvier 2018, afin de faciliter la réalisation de projets sur leurs territoires, les préfets de quelques régions et département * ont pu expérimenter un droit de déroger à certaines normes réglementaires (notamment en matière de construction, de logement et d’urbanisme), sous condition d'intérêt général et d'existence de circonstances locales. Un décret du 8 avril 2020 vient pérenniser cette expérimentation sur l’ensemble du territoire. 

Face à la profusion de normes applicables aux usagers du service public, aux collectivités locales, aux entreprises et aux porteurs de projets, le gouvernement avait souhaité renforcer, à titre expérimental, les marges de manœuvre des préfets dans la mise en œuvre des réglementations nationales. Il souhaitait ainsi accompagner et faciliter la réalisation de projets ou de démarches ainsi que répondre aux besoins des territoires, ceux des outre-mer notamment et plus spécifiquement encore ceux des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.

Le décret n° 2017-1845 du 29 décembre 2017 et la circulaire « Expérimentation d’un droit de dérogation reconnu au préfet précisaient les conditions et contours de ce dispositif expérimental.

Après un bilan "très positif" de cette expérimentation, (183 arrêtés préfectoraux dérogatoires émis en plus de deux ans, selon le ministère de l’intérieur), il a été décidé de généraliser ce pouvoir de dérogation à tous les préfets et ainsi renforcer la déconcentration des décisions à l’échelle locale.

C’est l’objet du décret n° 2020-412 du 8 avril 2020 qui vient pérenniser ce dispositif dérogatoire et autorise le préfet à déroger, de façon ponctuelle, au cas par cas, aux normes réglementaires applicables dans sept secteurs d’activités limitativement énumérés.

Quels sont les secteurs d’activités concernés ?

Dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisations individuelles ** relevant de sa compétence ***, le préfet peut déroger aux dispositions réglementaires rattachables à l’un des secteurs suivants :

  1. Construction, logement et urbanisme
    ​Exemples précisés dans la Circulaire « Expérimentation d’un droit de dérogation reconnu au préfet : déroger à la durée d'instruction des permis de construire délivrés par l'État et relevant de sa compétence ou dispenser des constructions de toute formalité en termes de seuils de taille (ex. les panneaux photovoltaïques installés sur des constructions)
  2. Protection et mise en valeur du patrimoine culturel
    Exemples précisés dans la circulaire précitée :  dispenser d'autorisation au titre des monuments historiques les installations temporaires de plus de 20 m² et pour une durée inférieure à 3 mois sur ou dans un monument historique.
    L'octroi de la dispense permettrait d'éviter au demandeur de remplir le dossier prévu par le code du patrimoine.
  3. Environnement, agriculture et forêts
    Exemples précisés dans la circulaire précitée : déroger aux seuils d'autorisation de la nomenclature « loi sur l'eau » pour certains projets de renaturation des cours d'eau
  4. Aménagement du territoire et politique de la ville
    Exemples précisés dans la circulaire précitée : sans déroger aux zonages de la politique de la ville ou de territoires fragilisés (ZRR, déserts médicaux...) qui pour la plupart relèvent d'une disposition législative ou européenne, étendre en dehors des territoires concernés l'éligibilité à certains dispositifs de soutien de niveau réglementaire assis sur ces zonages.
  5. Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales
    Exemples précisés dans la circulaire précitée : Déroger au taux de 5% régissant le versement des avances de subventions d'investissement ou à l'obligation de complétude d'un dossier de demande de subventions
  6. Emploi et activité économique
    Exemples précisés dans la circulaire précitée : déroger au principe de réunion physique des membres de la commission départementale de l’emploi et de l’insertion en recourant à une consultation électronique.
  7. Activités sportives, socio-éducatives et associatives
    Exemples précisés dans la circulaire précitée : déroger au délai de trois mois minimum requis dans le cadre du dépôt d’une demande d’organisation d’une manifestation sportive, en acceptant une demande déposée un peu tardivement

A quels objectifs doit répondre la demande de dérogation ?

La dérogation doit poursuivre l’un des trois objectifs suivants :
- alléger les démarches administratives, c’est-à-dire tout échange normé avec l'administration, qu'il concerne les particuliers, les entreprises ou les collectivités territoriales
- réduire les délais de procédure
- favoriser l’accès aux aides publiques

A quelles conditions doit répondre la dérogation accordée par le préfet ?

La dérogation doit répondre aux conditions suivantes :
- être justifiée par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales.

Sur ce point la Circulaire « Expérimentation d’un droit de dérogation reconnu au préfet précisait que « La mise en œuvre de ce droit de dérogation ne se traduit pas par l'édiction d'une nouvelle norme générale en lieu et place de la norme à laquelle les préfets dérogent ».
Concrètement, ce pouvoir s'exerce « à l'occasion de l'instruction d'une demande individuelle et se traduit par la prise d'une décision au cas par cas. Il n'a pas pour objectif d'exonérer de manière durable de règles procédurales, ni de généraliser des mesures de simplification de normes ou d'accorder de manière générale et non individualisée des dérogations. En revanche, il vous permet de décider de ne pas appliquer une disposition réglementaire à un cas d'espèce, ce qui la plupart du temps devrait conduire à exonérer un particulier, une entreprise ou une collectivité territoriale d'une obligation administrative ».

- être compatible avec les engagements européens et internationaux de la France
- ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense ou à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

Quelle est la forme de la décision de dérogation
La décision de dérogation prend la forme d’un arrêté motivé du préfet, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture.

>> Sources juridiques

 

* Territoires concernés par l’expérimentation

- les préfets des régions et des départements de Pays de la Loire, de Bourgogne-Franche-Comté et de Mayotte 
- les préfets de département du Lot, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Creuse
- le représentant de l'Etat à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et, par délégation, préfet délégué dans les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin

** Demandes d’autorisations individuelles

Une autorisation est « individuelle » si le destinataire est identifiable (par exemple l’attribution d’un permis de construire), à la différence d’un acte « réglementaire » qui est de portée générale et impersonnel ou concerne une catégorie de personne définie de façon globale

*** Concernant le domaine « construction, logement et urbanisme », le préfet est notamment compétent pour délivrer les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir, dans les communes dotées d’un document d’urbanisme, dans les hypothèses suivantes :
- pour les projets réalisés pour le compte d'Etats étrangers ou d'organisations internationales,
- pour les ouvrages de production, de transport, de distribution et de stockage d'énergie lorsque cette énergie n'est pas destinée, principalement, à une utilisation directe par le demandeur ;
- pour les installations nucléaires de base ;
- pour les travaux qui sont soumis à l'autorisation du ministre de la défense ou du ministre chargé des sites
- en cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction d’une demande
- pour les constructions à usage de logement dans les communes carencées en matière de logement social


 

Publié le 21.04.2020 - Modifié le 27.03.2024
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(Selbymay / CC BY-SA 3.0)
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